Cuvée DEEP PURPLE

05/05/19 Musique cuvée

On ne va pas y aller par quatre chemins: Deep Purple, c'est un bordel sans nom. 50 ans de carrière avec des changements incessants de musiciens (à l'exception du batteur Ian Paice, toujours et encore présent depuis 1968). Nous allons donc nous borner ici à évoquer les périodes et les productions les plus dignes d'intérêt, à commencer par le légendaire "In Rock" de 1970, un des tout premiers albums d'un style que l'on nommera bientôt le hard rock.

Les musiciens (tous virtuoses) présents sur ce disque constitueront le "Mark II", le line up le plus marquant de l'histoire du groupe. Il s'agit de Ritchie Blackmore (guitare), Ian Gillan (Chant), Jon Lord (claviers), Roger Glover (basse) et de Ian Paice (batterie).
Il aura fallu trois albums de pop - rock - psyché - progressif - classique réalisés entre 1967 et 1969 pour accoucher du tout premier disque de hard rock de l'histoire. Comme le dit le proverbe: Paris ne s'est pas fait en un jour.
A sa sortie, en juin 1970, "In Rock" a laissé sur le cul un peu tout le monde. Aujourd'hui, on pourrait définir ce son de "très seventies et délicieusement poussiéreux". "In Rock" reste un monument, un must, qui a inspiré un nombre incalculable de musiciens.
La pierre angulaire de ce disque est sans aucun doute "Child In Time", un morceau de hard progressif s'étalant sur plus de 10 minutes, qui restera gravé dans les annales du rock. Les cris suraigus de Gillan portés par une rythmique lourde et tendue, montent en intensité encore et encore avant d'éclater sur un pont menaçant pour laisser place à un chorus de guitare explosif.
Que dire de plus ? Peut-être le plus grand morceau du groupe ?
Ceci dit, quitte à entacher un poil la légende, signalons que Child In Time est très inspiré, voire pompé sur "Bombay Calling" de It's A Beautiful Day (1968). Gillan a reconnu les faits en 2002...

Signalons aussi que juste avant "In Rock",  Deep Purple avait enregistré un peu à la va-vite en 1969 "Concerto For Group and Orchestra", une oeuvre de John Lord où Orchestre Symphonique et groupe de rock se tutoient sans vergogne. Pas du niveau de Beethoven, ni de Dvorak ou Berlioz, mais très bien construit et très agréable à écouter.

Mais revenons à nos moutons.
C'est sur cette lancée que les cinq musiciens sortent en 1971 "Fireball", du très bon boulot une fois de plus, qui servira de tremplin à l'album le plus célèbre du groupe: "Machine Head" (1972). Ce disque contient le méga tube de Deep Purple qui nous sort par les oreilles et que TOUT guitariste débutant aura massacré au moins une fois dans sa vie:
-"Taa Taa Tââââ
Taa Taa Ta-tâââ
Taa Taa Tâââ, ta Tâââââ".
Inutile de le nommer, tout le monde aura reconnu...
Mais il y a beaucoup mieux, comme par exemple "Highway Star", célèbre pour ses soli endiablés devenus mythiques, contrairement aux paroles, elles, un peu débiles.
Cet album ressemble presque à un best of tant il contient des classiques tels que "Space Trucking", "Lazy", ou même "Pictures Of Home", qui sont encore jouées aujourd'hui par le groupe.

C'est au cours de la tournée de 1972 que Deep Purple enregistre "Made In Japan", un disque qui va être considéré comme un des tout meilleurs albums live de tous les temps. Livré nature (sans overdubs, sans ajouts), ce "Made In Japan" montre le potentiel et la maîtrise incroyable du groupe à l'époque. On peut dire que ces cinq-là savent se servir leurs instruments, et on devine les liens invisibles qui les relient sur scène. L'interprétation des morceaux est impeccable, les improvisations sont de haute volée (écoutez un peu la battle voix / guitare sur "Strange Kind Of Woman") et le tout est d'une parfaite cohésion.
Ian Gillan braille comme jamais plus il ne braillera (nous verrons ça plus loin), tandis que Lord et Blackmore nous régalent de leurs interventions à la fois techniques et bourrées de feeling.
Ian Paice, lui, nous gratifie d'un superbe solo de batterie sur "The Mule". Nul besoin d'être musicien pour l'apprécier car sa construction et son côté presque chantant le rendent accessible à l'écoute.
"Space Trucking" s'étale sur près de 20 minutes, et fait la part belle à l'improvisation, prouvant une fois de plus si besoin était que Deep Purple est un grand groupe à l'énergie incroyable capable de technicité, de complexité, de maestria, mais aussi du sens de l'harmonie.

C'est alors que les choses vont commencer à se gâter avec les premières tensions qui vont apparaître entre Blackmore et Gillan, se soldant par le départ de ce dernier, mais aussi par le départ de Roger Glover. Ils seront remplacés par David Coverdale (chant) et Glenn Hughes (basse), qui donneront une teinte légèrement funky au groupe ("Burn", "Stormbringer"). Deux albums plus tard, c'est Blackmore qui claque la porte à son tour et "Come taste the band" (1975) verra le jour sans lui.


1975 fut un excellent millésime pour le pourpre profond, avec une belle couleur seventies. A la dégustation, on note beaucoup de matière et de finesse, et un bel équilibre entre hard rock et funk rock. Un mélange de cépages... euh... de genres qui fera école plus tard sur la scène de Seattle.
L'attaque de l'album est franche avec l'explosif "Coming Home", qui, dès la première gorgée donne le ton : le nouveau guitariste Tommy Bolin sait se servir de sa guitare.
Il n'y a strictement rien à jeter ici, et nous boirons le calice jusqu'à la lie en nous délectant de perles comme "Lady Luck", "Dealer" ou encore l'émouvant "This Time Around" qui laisse s'exprimer toute la sensibilité vocale de Glenn Hughes.
Vous l'aurez donc compris, cette production a très bien résisté à l'épreuve du temps et s'est même bonifiée avec les années.
Malgré cela, beaucoup de fans sont restés perplexes à l'époque en raison de l'absence du guitariste emblématique du groupe. Et pourtant, quelle belle réussite !
En 1975, on pouvait certes se demander si Deep Purple pouvait encore bénéficier de l'appellation A.O.C Deep Purple tant ce disque était, avouons-le, le projet de Coverdale - Hughes - Bolin épaulés par Lord et Paice.
Aujourd'hui, la réponse est claire: Qu'importe ! Tant que la musique est bonne, allons-y, consommons-la SANS moderation !
Hélas, les meilleures choses ont une fin, et la suite de l'histoire sera tragique. Les addictions à la dure de Hughes et Bolin donneront lieu à des concerts catastrophiques, ce qui conduira les autres membres à mettre un terme à l'aventure en pleine tournée, un soir à Liverpool, le 14 mars 1976.
Bolin décèdera d'une overdose en décembre 76. Silence radio.

C'est donc contre toute attente que le fameux Mark II se retrouvera en 1984 pour enregistrer "Perfect Strangers", un album aux accents pop et caractérisé par un certain mauvais goût (?), puis en 1987 pour "House Of The Blue Light", très orienté hard FM. Très dispensable.
Gillan re-claque la porte, se fait remplacer par Joe Lynn Turner en 1990 pour une quelconquerie nommée "Slaves And Masters" (à fuir), pour revenir dans les rangs en 1993 pour les sessions de "The Battle Rages On".
L'album sonne un tantinet ringard, voire fatigué, et Gillan qui a perdu sa voix époustouflante d'antan n'arrange rien à l'affaire.
En pleine tournée, c'est Blackmore qui re-re claque la porte, mais définitivement cette fois-ci. Les tensions entre lui et Gillan ont viré à la haine!
Un DVD du nom de "Come Hell Or High Water" montre le Mark II jouant pour la toute dernière fois sur scène. Ce soir-là, Ritchie Blackmore sabote littéralement le concert en n'apparaissant que sporadiquement sur scène.
On retiendra tout de même une version épique / pathétique de "Child In Time". Epique pour l'énormissime solo de guitare de cette tête de cochon de ménestrel médiéval, et pathétique pour les maigres performances vocales de Gillan qui ne peut désormais plus monter dans les aigus. Sa voix tremblotte même sur les premières vocalises du morceau.
Deep Purple est devenu une pathétique parodie de Deep Purple. Continuer malgré tout ?

Oui ! Les quatre musiciens restants recrutent un tout nouveau guitariste virtuose, l'américain Steve Morse avec qui ils vont enregistrer en 1996 "Purpendicular", un album étonnant.
Pour commencer, le style guitaristique métalleux de Morse est très différent de celui de Blackmore. Ensuite, on retrouve un Ian Gillan à la voix apaisée (et pour cause, elle est explosée), qui donne dans un tout autre registre. L'alchimie opère malgré ce mélange improbable, et force est de constater que "Purpendicular" est un bon album. Oui, ça faisait bien longtemps que l'écurie ne nous avait pas fait plaisir à ce point.
Il semblerait donc que le départ du guitariste ombrageux ait soulagé les musiciens qui avouent avoir retrouvé le plaisir de jouer ensemble.



La tendance se confirme avec le monumental "In concert with the London Symphony Orchestra" en Septembre 1999. Trente ans plus tard, le "Concerto For Group And Orchestra" est enfin réinterprété sans bavure. Il faut dire qu'en 1969, le projet avait été expédié plus ou moins dans l'urgence, le groupe étant alors tiraillé entre les tournées et l'enregistrement de "In Rock".
Bien des surprises nous attendent tout au long de ce concert comme par exemple l'émouvant "Pictured Within", écrit par Jon Lord, qui ouvre le bal.
Un "Love Is All" d'anthologie chanté par James Dio himself précède un "Wring That Neck" des grands soirs (entendez par là, en version orchestrale).
"Pictures) Of Home" est parée d'une introduction symphonique totalement inattendue et totalement classe.
Cet évènement inoubliable est bien entendu clôturé dans un joyeux bordel par l'incontournable "Smoke On The Water" où tous les musiciens participent... et ça fait du monde...
 

Les productions qui suivirent resteront un peu en deçà de "Purpendicular", mais honorables tout de même ("A Band On", "Bananas", "Rapture Of The Deep").
A noter la démission du maestro John Lord en 2002 qui sera remplacé par Don Airey en 2003...
Lord décèdera en 2012.

Il est parfois des bonnes surprises que l'on attend plus. Je veux parler de ce "Now What?!" de 2013 qui a réconcilié le groupe avec bon nombre de fans perdus depuis bien des années. Car oui, nous avons affaire ici à une excellente production, son seul défaut étant peut-être de ne pas avoir vu le jour dans les années 70... Il est au moins du niveau de "Fireball".
Cet album monte en intensité piste après piste. Les hostilités démarrent dès le premier morceau "A Simple Song", mais ça commence vraiment à chauffer à partir de "Hell to pay", avant de poursuivre sur "Bodyline", étonnamment groovy. Et puis il y a ce riff génial du titre "Above and Beyond", tout droit sorti des seventies, composé en hommage à John Lord.
Le point culminant du disque serait à priori "Uncommon Man", du rock progressif que le groupe avait abandonné depuis belle lurette, et qui leur va pourtant si bien...
Un autre très beau moment: Un question / réponse entre Steve Morse et Don Airey qui atteint des sommets sur "Après vous": Les phrasés respectifs des deux musiciens virtuoses se succèdent tout d'abord à un rythme relativement lent, avant que le tout ne s'accélère vertigineusement pour finalement s'accorder à l'unisson.
La voix de Gillan reste peut-être la petite ombre au tableau. On aurait rêvé le même disque, avec une voix moins poussive. Dommage, mais faut-il rappeler l'âge de papy Gillan??

Re-boostés par ce regain d'inspiration, Deep Purple sort en 2017 "Infinite", un travail honnête, mais pas pour autant à la hauteur de son prédécesseur.
Enfin, le groupe part une nouvelle fois en tournée pour "The Long Goodbye Tour", un titre qui en dit long...

Au cours de leur 50 années d'existence,  les Dip Peurpeul (comme on dit en français) auront laissé une oeuvre de qualité inégale, mais auront largement influencé des tonnes et des tonnes de musiciens en établissant les bases du hard rock.
Les changements très fréquents de personnel n'ont cependant jamais changé la géométrie du groupe qui est restée fidèle à la formule chant / guitare / claviers / basse / batterie. Et paradoxalement, ces changements leur ont permis de survivre durant plus de cinq décennies.
 



 

1 commentaire

#1 | | revistas.uned.es a dit :
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